HORIZONS DU CANTAL
La plus longue, sans doute une des plus dure parmi les six randonnées. Captivante pour le cyclo épris de liberté, de sites rudes et variés où rien n’est à échelle commune, où l’homme n’est pas « curieux » mais amical, où la solitude n’est pas morosité mais douceur, où la vie n’est pas frustre mais paisible…
« Cassante » et intraitable, elle le sera pour les « dévoreurs » de kilomètres.
Entre Auvergne et Quercy, nous côtoierons, sur les pas du « Prince Noir » la farouche Vallée de la Dordogne, celle de la Maronne plus impitoyable encore et sillonnerons jusqu’aux abords du Cantal une contrée peu connue : la Xaintrie.
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AUBAZINE ou OBAZINE**- PUY DE PAULIAC*
Du carrefour Carriven, prendre l’avenue Maillard puis l’avenue de Tulle (N.89) jusqu’à Aubazine-Gare. Quittons la basse vallée de la Corrèze (D.48) et hissons-nous jusqu’à Aubazine par une route sinueuse et ombrée.
Aubazine, accrochée au bord d’un plateau à quelque 350 m d’altitude, est plus qu’un simple petit village.
C’est un joyau perclus d’histoire qui s’est adapté aux exigences modernes avec une si grande coquetterie,
qu’il est devenu un lieu de villégiature très prisé. La « Petite Suisse » comme on l’appelle aussi, saura vous
conquérir, comme elle a justement conquis son titre. A visiter absolument :
Eglise abbatiale du XIIe siècle de style cistercien contenant de remarquables vitraux, une armoire en chêne du XIIe (un des meubles les plus anciens de France) et surtout le tombeau de Saint Etienne** (chef-d’œuvre sculpté du XIIIe). L’abbatiale possède aussi un trésor d’une valeur inestimable (châsse en émail du XIIIe).
Mais poursuivons, l’ascension sera rude jusqu’au Puy-de-Pauliac (250 m ) et tous les dos courbés ne se r
edresseront pas pour admirer les paysages ou pour suivre du regard le légendaire « Saut de la Bergère »
(voir au passage menhir et cromlech). Au sommet, la table d’orientation sera l’occasion pour tous de
souffler et de découvrir le magnifique panorama qui s’étend, par temps favorable, jusqu’aux Plombs du
Cantal.
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CORNIL
D’Aubazine à Cornil, la route (D.48 et D.48 E) s’étire sous une double haie de taillis, dernier « baroud » d’une végétation domptée au fil de notre pénétration. Par une longue descente nous atteindrons ce bourg dont les sévères maisons de granit bleu se quillent au faîte d’un aplomb exangue, déchiqueté par la main des bâtisseurs.
A voir :
Eglise romane, ruines du château (Xve siècle) et pittoresque point de vue sur la vallée de la Corréze.
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SAINTE-FORTUNADE
La route (D.1) qui nous mènera jusqu’à Sainte-Fortunade, s’enfonce sur le plateau qui, peu à peu, substitue pacages et prairies aux plantations anarchiques. Malgré l’ascendance, les cyclos devraient joindre ce bourg d’un train rapide, allégés par on ne sait trop quelle vague prémonition d’inédit et de renouveau.
A voir :
Château du Xve très restauré – église romane abritant le « Chef Reliquaire* » de Sainte-Fortunade (œuvre
originale d’une extrême finesse).
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ROCHE-DE-VIC* (636 m)
En quittant Sainte-Fortunade, la route (N.120), belle voie bordée de hêtres, compte parmi les plus agréables de la région. Nous sommes à 500 m d’altitude, sur le palier de la Xaintrie où le soleil, ce maître du fauvisme, règne, rouillant les pâturages, soulignant les marbrures des lichens, embrassant de-ci, de-là, une palissade de bois tore derrière laquelle s’isole une habitation basse et sombre.
Au passage, se méfier des Quatre Routes d’Albussac qui est un lieu de gastronomie trop privilégié, apte à
compromettre le bon déroulement de la sortie.
Roche-de-Vic, éperon rocheux dressé à l’autre bout du plateau comme un défi perpétuel et secret, haut
lieu de pèlerinage, a établi sa foi sur les ruines du paganisme celte.
Et l’on comprend mieux, à la vue de ces landes violacées où moutonnent d’énormes blocs érodés, que les
hommes, de tous temps, se soient recueillis en cet endroit et qu’ils aient voulu construire là une chapelle.
A voir :
Vestige d’un ancien Oppidum celtique – Table d’Orientation – Magnifique observatoire.
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ARGENTAT*
Une longue descente (D.176 et D.169) conduira les cyclos jusqu’à Argentat et nous reprendrons contact avec la verdure folle, si thypiquement corrézienne. Le cyclo, peu pressé d’en finir pourra visiter la curieuse église de Neuville (Xve) ou faire un crochet jusqu’aux cascades de Murel*.
Argentat, chef lieu de canton, capitale de la Xaintrie est une vieille ville séduisante, agglutinée sur les berges
de la Dordogne et s’étiolant dans la riche plaine qui l’entoure. La Dordogne !Cette rivière poissonneuse, si
capricieuse, fut le gagne pain des villageois, aux temps reculés des gabares. Aujourd’hui, les maisons de
torchis aux toits d’ardoises biscornus qui jouxtent avec les quais inutiles, rappellent, non sans émotion la
vitalité de ce port d’antan.
Mais écoutons :
Ma chançon es d’una gabarra
Que portava dos mariniers…
Ma chanson est d’une gabare
Qui portait deux mariniers…
A voir :
Vieux quartiers, le port, le quai – Hôtel de la Vicompté de Turenne.
· BARRAGE DU CHASTANG*
D’Argentat au barrage du Chastang, la route (D.129) longe la Dordogne et pénètre les profondes gorges que la rivière a incisées dans le roc. Bien qu’elles n’atteignent jamais le gigantisme et la sauvagerie des gorges de la Haute-Dordogne (de Bort à Spontour – Barrage de l’Aigle**) elles demeurent impressionnantes et l’on se prend à évoquer le temps des gabariers, lorsque ceux-ci remontaient très haut la rivière truffée d’embûches et de périls ! Le terrible Prince Noir et ses soudards anglais empruntèrent cette voie pour conquérir la région et investir ses places fortes. Nous verrons qu’il échouèrent contre une seule d’entre elles.
La route, plane jusqu’à Gleny (voir au passage barrage du Sablier et Château du Gibanel) se hisser jusqu’au
barrage par une pente raide et sinueuse et nous découvrirons au gré des lacets de nombreuses vues
d’ensemble de l’ouvrage. Arrivés sur la crête du barrage, les cyclos poserons pied à terre et d’aucuns en
profiteront pour détailler l’énorme masse de béton ou pour admirer le site et prendre des photos.
Caractéristiques du barrage du Chastang
Hauteur 85m – Longueur 300m – Epaisseur à la base 24m – Volume de la retenue 180 millions de m3 – P
roductibilité, 450 millions de Kw/h.
SERVIERES-LE-CHATEAU
Reprenons les bicyclettes. Une excellente et dernière image du barrage nous sera donnée d’un belvédère situé plus haut (D.29) et désormais la pression exercée sur les pédales ne se relâchera plus jusqu’à Servières-le-Château.
Servière-le-Château, paisible petit village surplombant la vallée de la Glane, nous détendra après une pente
et des images si dures.
A voir :
Site pittoresque au-dessus des gorges de la Glane – Château féodale – Lac de Feyt.
SAINT-PRIVAT
De Servières à Saint-Privat, la route (D.29 et N.680) entame un nouveau palier. Nous sommes au cœur de la Xaintrie, cette contrée historique qui tire son orthographe de la déformation de « Saintrie » pays du Saint. Terre pauvre dont la majesté a su inspirer le poète :
Richesses d’un lilas brisé…
Etoile de tes cheveux dans la pénombre…
Illuminées par les éclaires de soie de phalanges errantes…
(Xaintrie – Paul des Angles.)
Egaré derrière un rideau de bouleaux et de pins, Saint-Privat s’efforce de devenir une petite agglomération
moderne et attrayante. Son histoire, ses frondaisons contrastées sous lesquelles il fait bon flâner, lui ont
valu la qualificatif de « merveille de la nature et de l’art ». La surprise sera agréable pour le cyclotouriste
éprouvé, mais n’en disons pas davantage !
SAINT-GENIEZ O MERLE – TOURS DE MERLE***
De Saint-Privat à Saint-Julien-aux-Bois (N.680) et à Saint-Cirgues-la-Loutre (D.3) les cyclos chemineront à travers bois et frôleront le département du Cantal.
A voir :
Saint-Julien-aux-Bois : Maison noble du XVIIe, presbytère du XVIIIe, chapelle du XIIIe contenant une croix
processionnelle avec main bènissante (classée).
Saint-Cirgues-la-Loutre : Eglise du Xve.
Au-delà de Saint-Cirgues, le paysage se brise tout à coup. Le profil se tourmente et la végétation d’abord
souriante, s’assombrit ; la route (D.13) se précipite dans les gorges obscures de la Maronne. Une descente
sèche, une grimpée impitoyable ; à la sortie d’un virage nous apparaîtront, comme surgies d’un conte de
Perrault, les ruines fantastiques de Merle.
Merle, nid d’aigle inexpugnagle suspendu au-dessus du chaos, cerné de forêts impénétrables et de crêtes s
auvages, agonise, fièrement campé sur son roc, replié sur ses millions de souvenirs, tandis qu’au fond du
ravin s’essouffle la Maronne. Ici, la force était vaine et le Prince Noir y bafoua son prestige ; Merle tenait
toujours, et s’opposait comme une pierre d ‘achoppement à la conquête totale de l’Aquitaine.
Un peu d’histoire
« Un village, deux chapelles, sept seigneuries et sept châteaux. » pour reprendre une expression consacrée
se partageaient la butte. En effet, se trouvent côte à côte deux châteaux, l’un du Xie siècle, l’autre du XIVe
siècle appartenant à un descendant cadet. A une époque les seigneurs de Merle, sont les plus redoutés de la
région. Par la suite, leurs descendants se livrèrent au brigandage et il fallut l’intervention du roi de France
pour le faire cesser. L’artillerie changea le destin de la forteresse qui, devenue trop vulnérable, fut
abandonnée par ses occupants. Au XVIIe siècle, le Duc de Noailles y installa un rendez-vous de chasse.
Jusqu’à l’apparition de l’automobile, toute vie disparut en ces lieux.
GOULLES – SEXCLES – ARGENTAT
L’hommage rendu à ce fief, il nous faudra reprendre les bicyclettes. Tout d’abord, nous franchirons la Maronne par un pont suspendu étroit et pittoresque (D.13). De là, un raidillon nous élèvera jusqu’à Goulles (point de vue, église intéressante), puis une descente de 17 km nous précipitera sur Argentat (par D.13E, puis à Sexcles N.120). La boucle est refermée, nous avons parcouru 126 km depuis notre départ et les difficultés peuvent être considérées comme terminées.
BEAULIEU***
Sortons d’Argentat et hâtons-nous vers Beaulieu par une route (D.12) de plaine souriante, qui chemine avec la Dordogne désormais pacifiée. Un alignement d’arbres majestueux, des prés verts, pour le cyclo ce sera tout à coup l’émerveillement.
Beaulieu, la « Riviera Limousine », premier jalon du Quercy en terre corrézienne, nous apparaîtra comme un
véritable oasis. Amis cyclos, si vous êtes amateurs de beau, arrêtez-vous dans la cité Belloquoise et prenez
le temps de flâner dans ses vieilles rues échappées, de l’ère médiévale, ou sur les quais nostalgiques, à la
recherche de ce monde des gabariers entré dans le souvenir. Mais écoutons ce qu’en dit Marcelle Tinayre,
cette grande corrézienne :
« Le Limousin méridional vous y accueillera dans sa tendre et chaude lumière. Là, tout est grâce féminine, de la rivière aux prairies, des coteaux faciles aux fraîches vallées. Le passé enrichit le présent par les beautés de ses vieilles architectures… »
Nous n’ajouterons rien de plus, car Beaulieu ne se raconte pas.
A voir :
Vieilles rues très pittoresques, vestiges de fortifications, vieux hôtels seigneuriaux, une maison Renaissance.
Chapelle des Pénitents*, quais de l ‘ancien port.
Eglise abbatiale*** romane (XIIe siècle) dont le portail représente le jugement dernier (chef-d’œuvre
véritable).
Puisqu’il faut bien rentrer…
La randonnée se termine mais gageons que les plus impatients « pédaleurs » laisseront à Beaulieu quelques
regrets. 45 km de verdure nous séparent désormais de Brive, ceux-ci devraient être brûlés d’un train assez
rapide.
De Beaulieu prendre la N.140 jusqu’à Le Colombier, puis D.38 jusqu’à Marcillac-la-Croze. Joindre le Pescher,
Le Planchat, Lanteuil par la D.15 et D.14. De Lanteuil, suivre la N.680 jusqu’à Brive.
Et si d’aventure l’un d’entre nous, fatigué par un si long périple, se laisse gagner par une défaillance et se
prend à douter de son bon sens, à quelques minutes du but, nous n’aurons pour toute médecine que ces
paroles du troubadour Henri de Born à lui prodiguer :
Avec la folie, nous vaincrons le bon sens, nous autres Limousins joyeux, qui voilons qu’on donne et qu’on rie !
…et ce sera assez pour lui venir en aide !